Suite à quelques confusions dans le monde réel comme sur les réseaux, il semble opportun de reprendre quelques fondamentaux, avec une orientation vers le vélo bien entendu.
Pour tout véhicule, il faut injecter de l’énergie pour avancer/accélérer. Par la force des mollets, par un moteur, une voile, une descente, etc. Tous les moyens sont bons tant que l’on ajoute de l’énergie et qu’on le fait dans la bonne direction et le bon sens.
Le mouvement ainsi établi, on se retrouve avec de l’énergie cinétique à disposition. Le moment venu, on peut la réduire par une montée, en dissipant en chaleur dans des freins ou en convertissant en quelque chose de plus statique, par exemple recharger une batterie.
La norme depuis longtemps est de faire de la chaleur dans les freins, donc tout perdre. L’alternative connue de longue date par exemple pour les trains est de servir le moteur en génératrice et renvoyer l’énergie électrique dans le réseau. Gain de consommation, freins froids donc gain de sécurité et moins de maintenance.
Pour nos montures c’est tout pareil. Et ceux qui disent que la masse est trop faible pour que cela fonctionnent ont oublié de réfléchir : la masse a freiner est la même que la masse à accélérer, pour le train comme pour le vélo. Ce ne sera simplement pas les mêmes ordres de grandeur, voilà tout.
Alors, que peut-on espérer d’un tel système ? Pour un vélo électrique usuel, un rendement propulsif de 75 % est réaliste. Des pertes électriques de cyclage à 5 % sont très largement comptées, les batteries modernes n’ont presque plus de pertes mesurables. Le rendement en génératrice est vers 80 % donc le circuit permet de récupérer autour de 57 % d’énergie dans ce cas. 0.75×0.95*0.80=0.57 pour le calcul.
Cela joue pour un parcours qui n’aurait que montée et descente bien entendu. Lors du roulage au plat, rien ne peut être récupéré, il n’y a pas d’énergie à dissiper. Ce qui signifie que, de cas en cas, on verra des valeurs de récupération d’énergie entre 0 et 57 % en théorie. Ce qu’il manque ? Les pertes aérodynamiques, et les pertes par frottements de tout genre. Efforts latéraux en virage, nids de poules, revêtement granuleux, route mouillée… Tout ceci va réduire l’efficacité et le rendement, tant en propulsion qu’en récupération. A l’opposé, comme il s’agit d’un vélo et qu’il y a des pédales, l’énergie apportée par le pédaleur n’est pas visible dans les statistiques électriques, mais va améliorer les chiffres.
Une manière de procéder : en pédalant en descente contre la génératrice, on va augmenter sa production. Le rendement de 80 % s’applique, et si l’on pédale à 100 W il y aura autour de 75 W de recharge de batterie en plus de ce que le freinage permet d’avoir. Cela va permettre d’avoir une meilleure autonomie et faciliter la prochaine montée. Il est donc possible de lisser son effort au prix d’une légère perte et de laisser la batterie et le moteur s’occuper des pics de puissance. Cela permet aussi de réguler son effort et de garder ses muscles chauds pour éviter un claquage par temps froid.
Au niveau des chiffres, il est apparu plus pertinent de ne plus regarder le pourcentage d’énergie récupérée mais le gain d’autonomie réalisable. Sur un véhicule, c’est plus utile. Cette présentation donne une information directe du potentiel obtenu avec le freinage récupératif. Pour une récupération d’énergie de 50 %, selon la série mathématique https://fr.wikipedia.org/wiki/1/2_%2B_1/4_%2B_1/8_%2B_1/16_%2B_%E2%8B%AF on voit que le gain converge vers 1, donc un doublement de l’autonomie. C’est une augmentation de 100 % de la portée utile en d’autres termes. Avec 50 % de récupération, nous sommes très proches de nos 57 % théoriques, sans frottements. C’est probablement une valeur quasi impossible à voir sur un parcours équilibré, puisque les portions plates vont baisser ce chiffre, tout comme les multiples frottements.
Dans la vie courante, on a en général entre 4 et 15 % de gain d’autonomie pour un vélo droit, entre 5 et 25 % en vélo couché, et entre 5 et 70 % en vélomobile car l’aérodynamique excellente permet de réduire drastiquement les pertes en descente, qui est la source de régénération principale.
Puisque l’on en est à la source d’énergie, voyons quelques éléments.
On peut prendre un ensemble vélo + cycliste à 100 kg et une puissance de pédalage de 125 W dans une pente à 8 % et une vitesse de 18 km/h pour avoir un exemple simple et réaliste.
L’énergie cinétique est de 1250 J donc 0.35 Wh, les frottements non aéro sont estimés à 1 W/km/h
La puissance nécessaire sera de 392 W hors frottements, juste pour compenser le gain d’altitude. On peut estimer autour de 420 W la puissance nécessaire. 100 W viennent du pédaleur, reste 320 W à fournir avec un rendement de 75 % donc 427 W consommés. Frottements aéro autour de 10 W dans ce cas. On se retrouve avec une consommation de 23.7 Wh/km dans cette montée.
A la descente, on va rouler à 36 km/h, et les chiffres sont les suivants: puissance hors frottements de -785 W et avec le rendement en génératrice et pertes de charge cela donne 595 W disponible. Ceci, pendant la moitié du temps de la montée puisque l’on roule au double de la vitesse. Frottements aéro autour de 40 W dans ce cas.
Les frottements vont manger 10 W en montée et 40 W en descente, c’est perdu en chaleur dans l’air. Les autres frottements prennent respectivement 18 et 36 W. Au final, on a 427+10+8=455 W à la montée, et -595+40+36=-519 W à la descente, sur la moitié du temps. Cela donne donc -14.4 Wh/km dans cette descente.
On parviens à 57 % de rendement cyclique. Pourquoi est-on aux 57 % théoriques ? Parce que le pédalage dans la montée vient ajouter de l’énergie et compenser les pertes.
Sans pédalage il faut 560 W pour grimper, et alors le ratio tombe à 46 % ce qui reste d’ailleurs excellent.
On voit aussi que la source principale d’énergie est bien le dénivelé; descendre de la Vue des Alpes à Valangin représente 700 m de dénivelé négatif, et c’est environ 190 Wh pour notre cycliste de 100 kg avec son vélo, ce qui représente une énergie très importante pour juste 10 km à parcourir.
L’énergie à dissiper pour un freinage depuis 36 km/h à zéro est de 1.39 Wh pour comparaison. Un facteur 135, impressionnant. Au freinage au plat, la partie électrique est intéressante pour la sécurité, pas pour l’importance de la récupération.
En conclusion, le freinage récupératif fonctionne, aucun doute, et offre des avantages à plusieurs niveaux. Le plus important: l’énergie n’est pas transformée en chaleur, laissant les freins en parfait état pour les situations d’urgence et augmentant la durée de vie du matériel. En cadeau bonus, cela permet de grapiller de précieux kilomètres d’autonomie dans les descentes, réduisant ainsi fortement la différence de consommation entre la plaine et la montagne.